Affaire Wish : c’est quoi le déréférencement sur les moteurs de recherche ?

C’est une information qui n’est pas passée inaperçue dans le microcosme du référencement :  le ministre de l’économie Bruno Lemaire a révélé avoir demandé aux moteurs de recherche (dont Google et Bing) de déréférencer le site de e-commerce américain Wish dont le siège social est basé à San Francisco.

Selon le ministre de l’économie, Wish fait partie des « acteurs qui bafouent la réglementation sur la sécurité des produits et c’est inacceptable. Il n’y a pas de raison de tolérer en ligne ce que nous n’acceptons pas dans les commerces physiques ». 

En effet, la DGCCRF a identifié sur ce site e-commerce de nombreux produits dont des jouets et appareils électriques “non conformes voire dangereux”. Cette demande de déréférencement fait suite à l’absence de réponse positive des demandes de mises  en conformité de la DGCCRF (Direction Générale du commerce, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes). 

Qu’est-ce que le référencement exactement ?

Pour bien comprendre cette affaire et la notion de déréférencement, il faut déjà savoir ce qu’est le référencement d’une page web. Le référencement d’une page web est obtenu quand un robot d’exploration ou crawler en anglais parcourt régulièrement les sites internet pour rechercher de nouvelles pages et d’éventuelles mises à jour à ajouter à sa base de données pour les indexer. 

Il ne faut pas confondre le référencement avec le positionnement (SEO) qui consiste à classer les résultats de recherche dans le moteur de recherche de manière automatique suivant son algorithme et selon des critères de pertinence prédéterminées.

Alors, le déréférencement, c’est quoi ?

Le déréférencement consiste à faire supprimer un ou plusieurs résultats fournis par un moteur de recherche suite à une recherche effectuée à partir du nom et prénom d’une personne ou d’une entité. 
Cette suppression n’efface pas complètement le contenu litigieux (urls, vidéos, photos, etc.) car celui-ci peut être accessible en faisant des recherches avec d’autres critères ou en allant directement sur le site de l’entité. Si le contenu litigieux est présent sur un réseau social, la demande de déréférencement doit se faire auprès du réseau social directement.

La Cour de justice européenne, dans son arrêt du 24/09/2019, a limité géographiquement la portée du déréférencement dans le mesure où celui-ci n’est valable que dans l’Union européen  rendant les contenus litigieux toujours visibles en dehors de l’UE.

Elle oblige également les moteurs de recherche à prendre toutes les mesures efficaces possibles pour appliquer le déréférencement dans l’U.E même si celui-ci peut refuser le déréférencement s’il estime que l’information concernée doit être portée à la connaissance des internautes.

Le déréférencement et le droit à l’oubli, c’est pareil ?

Le droit à l’oubli existe depuis 2014 mais, c’est le Conseil d’Etat qui précise vraiment son champ d’application dans son arrêt du 06/12/2019. Ainsi, un particulier peut demander le déréférencement ou le droit à l’oubli sur internet suite à la parution de données personnelles le concernant sur Internet. Il peut faire sa demande aux moteurs de recherche via des formulaires mis à dispositions par les moteur de recherche eux-mêmes, en saisissant la CNIL ou le juge judiciaire. Les types de données personnelles concernées sont :

1-les données dites sensibles ou les plus intrusives dans la vie d’une personne (santé, vie sexuelle, opinions politiques, convictions religieuses …),

2-les données pénales (procédure judiciaire ou une condamnation pénale), les données relatives à la vie privée sans être sensibles.

Par ailleurs, la manière dont ces données ont été divulguées au public, par l’intéressé lui-même par exemple et dont elles restent accessibles.

 

Existe t-il vraiment un droit à l’oubli ou un déréférencement pour les entreprises ?

Le droit à l’oubli concerne uniquement les données personnelles des personnes physiques. Donc, pour protéger leur e-réputation, les entreprises ne peuvent faire une demande de droit à l’oubli ou de déréférencement comme c’est le cas pour le citoyen européen depuis 2014. En revanche, les dirigeants d’entreprises, les mandataires sociaux et les salariés peuvent tout à fait faire valoir leur droit à l’oubli sur Internet en tant que personnes physiques.

 

Quels outils sont à disposition des entreprises pour protéger leur e-réputation ?

Il n’y a pas de formulaire de droit à l’oubli ou de déréférencement pour les entreprises.

Si une entreprise veut faire disparaître un contenu qu’elle juge néfaste à sa réputation sur Internet, le mieux qu’elle est à faire est :

-contacter l’éditeur du site du contenu litigieux afin de lui demander de supprimer celui-ci, de le corriger ou au minimum de publier un droit de réponse. Le risque c’est qu’il peut refuser de le faire, voire, au contraire, utiliser cette demande de suppression/ correction/droit de réponse pour en rajouter, c’est ce qu’on appelle l’effet Streisand (souhait d’interdire la révélation d’informations mais qui aboutit à des conséquences inverses). 

-faire appel à une agence de SEO pour travailler son e-réputation pour nettoyer les contenus dérangeants et les remplacer petit à petit par d’autres publications jusqu’à ce que ces contenus soit invisibles dans les résultats de recherche des internautes. C’est une méthode qui prend du temps, certes mais rudement efficace.

-Sinon, faire de la veille avec des outils simples d’utilisation comme Google alertes est aussi un bon moyen pour savoir ce qui est dit et publié sur vous et votre entreprise.

 

Sinon, un déréférencement de Whish est-ce vraiment possible ?

C’est une première en France et un bon cas d’école d’autant que la demande émane d’une entité gouvernementale.

Après quelques jours de silence, Google et Apple se sont finalement exécutés en commençant par ôter l’application de leur store. Les FAI (fournisseurs d’accès à internet) devraient aussi bloquer l’accès à Whish. Pour ce qui est des moteurs de recherche, cela risque de prendre du temps au vu  des 10 200 000 pages de résultats indexées dans Google France et de la popularité de ce site. Affaire à suivre…